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!!'''poétique des systèmes''' {html}<a name="supermusique"></a>{/html} !!!'''Super-musique''' Abordons, en guise d'entraînement à cette forme particulière de poétique l'exemple de la musique. Suite à l'avènement des médias de masse diffusant la musique à l'aide de systèmes c'est la diffusion en elle-même de la musique qui est devenue système, au point qu'on peut à présent parler de « super-musique ». Il y a la musique et il y a la super-musique. La super-musique n’a pas grand-chose à voir avec la musique superbe. Il existe de la super-musique comme il existe, en architecture ou dans tout autre domaine structuré, des super-structures. La super-musique est à la musique ce que toute super-structure est à ses infra-structures. On peut considérer la musique comme constituée de deux éléments: répétition et variation. La répétition, en super-musique provient actuellement de son mode même de diffusion. On a toujours cherché, que ce soit par la notation, l’enregistrement ou la transmission orale, en tout cas par un système de transmission, à assurer une permanence à une pièce musicale. Il nous a toujours été nécessaire de répéter cette chose qui avait déjà existé, et de la répéter encore et encore, jusqu’à ce que la répétition devienne un flux. En fait, dans la super-musique ce que l’auditeur identifie c’est plus une succession d’apparitions que de la répétition. La variation quand à elle réside dans le fait que l’on va périodiquement mettre sur les porteuses de transmission, les médias, de nouvelles pièces musicales. Mais ces nouvelles interventions font encore partie de la même super-pièce musicale, puisqu’en elles demeurent une majorité d’éléments déjà présents dans les pièces précédentes: on change avant de se lasser. . Il n’y a pas de raison intrinsèque à un morceau de musique pour qu’il soit accepté. La seule possibilité qu’il a de se faire accepter c’est d’être répété. Il se justifie par la répétition, comme en lui-même les éléments qui le constituent se justifient par la répétition. . Etant immergés dans le bain médiatique, tout autant que des morceaux de musique, nous entendons un seul super-morceau qui est constitué de plein de nouveautés musicales qui doivent à la fois varier des morceaux précédents et leur ressembler. Un morceau de musique isolé ne trouverait pas sa place dans le super-morceau et ne serait pas accepté par nos oreilles. Chaque morceau de musique peut être considéré comme une note du super-morceau. '''une musique faite par personne''' La super-musique n’a pas d’auteur. On ne trouve pas de convergence de plusieurs auteurs en un super-auteur. Parce que la notion d’auteur sollicite de trop près celle d’individu. Une société, ou un groupe humain, n’est pas un super-individu. Sa structure ne correspond pas à celle des unités que sont les individus. Tout au plus correspond-elle à l’idée que l’on se fait de ce qu’est un individu. Par exemple dans une société à économie de marché le compositeur de la super-musique commerciale est le marché lui-même. La musique dite savante se reconnaît à son taux de variations qui est plus important que dans la musique dite vulgaire. {html}<a name="modelereduit"></a>{/html} !!!'''l'art comme modèle réduit''' Échapper aux systèmes et revenir au village par le miniature {html}<a name="pouvoirjouet"></a>{/html} '''Un pouvoir-jouet''' On peut comprendre l'art comme un mode de pouvoir miniature. L'artiste est un homme de pouvoir factice, un petit roi dont le royaume est minuscule, d'une taille insignifiante pour ainsi dire. Aussi, n'ayant pas de pouvoir sur le monde (pouvoir sur le groupe auquel il appartient) il va déployer sa volonté et ses vues de l'esprit sur une petite parcelle, sur cette portion minime du monde qu'il est en mesure de s'approprier sans avoir à mener des guerres qu'il serait incapable de gagner. Son royaume est comparable à un tapis de jeu. Les différentes formes de l'art peuvent être comprises comme différentes stratégies pour réaliser (c'est-à-dire mettre à la réalité) des choses sans se confronter frontalement et globalement à la réalité. Il s'agit de se coltiner la réalité, mais indirectement, par découplage, sous forme d'une maquette. Le modèle réduit constitue alors un mode de réalisation qui s'établit sur tous les plans de la réalité de façon proportionnelle, mais à des proportions qui, justement, sont réduites. Dans le cas du modèle réduit toutes les dimensions de développement de l'oeuvre dans la réalité sont développées, mais de façon réduite. Et cela à un degré égal sur chacune de ces dimensions. Le modèle réduit se définit en longueur, hauteur, profondeur et temps. Il prend tous les comportements que son référent projectif a eus, a, ou aura. Le modèle réduit adopte un mode de vraisemblance simple qui consiste en une échelle, une métrique linéaire appliquée à égalité sur tous les axes de mesure de son référent, de son modèle. Le respect de cette loi extrêmement sommaire suffit à en garantir la valeur, c'est-à-dire l'impact, l'attachement que l'on y porte. . Le modèle réduit totalement proportionnel, linéaire dans tous ses axes de réduction, est en quelque sorte le degré zéro de l'art, précisément de par le fait que tout y est pré-défini quand à son élaboration. Sa création consiste en l'application d'une loi qui n'est plus à reconstruire. . Les modèles réduits prenant une posture délibérément artistique sont des modèles bizarres, comportant sur un point ou un autre des bizarreries: quel est le modèle? Quelles en sont les réductions? . Les autres formes d'art sont des modèles réduits dont les échelles ne sont pas les mêmes, pas mêmes symétriques, sur tous les plans d'existence. L'expression picturale, par exemple, néglige, laisse en friche, deux dimensions sur quatre. Elle peut investir la réalité en "grandeur nature", mais pas sur les quatre dimensions: juste largeur et hauteur, le minimum suffisant pour que la perception se trouve confrontée à une surface. Les deux autres, la profondeur et le temps, ne sont pas développées. Elles sont présentes à leur degré minimum pour assurer l'existence du fait pictural. Elles contribuent au développement de cette maquette par une attitude bien particulière qui est la contribution par défaut de deux des axes de développement d'une réalisation. Le fait de mettre entre parenthèses deux dimensions sur quatre permet aux arts picturaux d'établir des réalisations sans avoir à se développer sur tous les plans du réel. . L'adoption ou non, par la réalisation, d'une posture ou d'un projet illusionniste suffit à faire basculer dans des registres d'existence extrêmement divers des entités qui pourtant au départ investissent les mêmes grilles d'échelle, les mêmes axes de développement dans la réalité. Ce sont deux plans absolument distincts d'impact mental qui sont investis. L'un s'insère directement dans la réalité. L'autre la recouvre, y fait écran pour venir se placer, l'espace de son temps d'apparition, devant elle. Prenons à nouveau le cas des formes picturales. Si l'on comprend la photographie comme une mécanisation, une automatisation, de l'aspect fabrication de la production des images c'est la notion de "fait main" qui apparaît en peinture. Et l'on continue sur la lancée initiée par le système d'automatisation de l'analyse visuelle qui était amorcée par le système de la perspective. Du même coup, en même temps que la matérialité de la peinture se révèle face à la photo, beaucoup plus immatérielle, c'est la dimension exclusivement projective illusionniste de l'art pictural qui apparaît. Tout une part de l'activité, plutôt que de laisser tomber le "fait main" devenu désuet dans le cadre d'une création illusionniste, va alors investir la matérialité même de la peinture. Ceci va s'appeler la "peinture abstraite", picturalité pourtant si fortement concrète comparée à l'abstraction à la réalité matérielle à laquelle nous convie la picturalité illusionniste. {html}<a name="narrationimage"></a>{/html} '''Le rapport au texte: une narration dans une image''' Les descriptions contemporaines qui sont faites de tableaux de la renaissance (et ultérieurs) ont ceci de frappant qu'elles adoptent un net accent narratif. Cette tendance met en évidence une situation paradoxale d'une action supposée se développer dans le temps, mais dont tous les aspects sont présents à nos yeux en simultanéité. Ce paradoxe n'existe pas de façon significative dans la photographie, où l'on parle beaucoup plus aisément "d'instantané". On peut remarquer combien des créateurs n'ayant pas à leur disposition de technologies leur permettant de rendre compte, en réduction, de la dimension temps l'injectent dans les deux autres dimensions propres à la picturalité. C'est ainsi qu'une technique de représentation du temps se développe. On retrouve dans cette peinture une bonne partie de ce que le cinéma prendra en charge par la suite. Ici on assiste au phénomène curieux d'une dimension s'exprimant au travers d'une synthèse de deux autres, une dimension qui n'a pas d'existence objective, qui existe de façon nomade, sans résidence précise (de type systématique) dans le tableau. Les éléments narratif, les personnages entre autres, produisent cette existence particulière du temps en exerçant une pression énorme sur leur condition physique bi-dimensionnelle d'éléments picturaux. Car il ne s'agit pas non plus ici de constructions picturales que l'on trouve au moyen-âge, cette écriture illustrée, ce texte à la portée d'une population majoritairement analphabètes, avec ces éléments picturaux "alphabétiques", cette proximité avec l'écrit, tout comme la calligraphie de cette époque, avec ses ornements impressionnants qui défendent presque une existence picturale, fût-ce d'une picturalité abstraite. Mais au moment où la peinture se consacre entièrement à sa dimension proprement picturale, elle perd aussi l'appui de la convention narrative. Et la narration se transforme en un phénomène pictural. Il s'agit alors de dépasser la base de l'imitation rétinienne pour, à défaut de faire évoluer les formes dans le temps sur le tableau lui-même, les faire évoluer au moment où elles arrivent chez celui qui voit et regarde. C'est qu'à cette période de la picturalité la dimension narrative, bien qu'étant mise en œuvre, avec ces tableaux faisant figurer des éléments de l'histoire religieuse par exemple, existe plus comme opérateur que comme point d'arrêt. Le créations picturales se servent de la narration plus qu'elles ne la servent. Elles s'en servent comme moyen d'appuyer une cohérence picturale, de confondre les repères de l'œil, afin d'amener la perception dans un deuxième monde. La narration est mise à profit dans la fin de construire un espace singulier. Le procédé de l'abstraction, pas encore identifiable en tant que tel, y est néammoins mis en oeuvre, et cela au niveau de la narration et du détournement des effets de réalisme. . Un cas qui peut nous intéresser ici est celui de la production de Jérôme Bosch. Car l'œuvre de ce peintre peut être compris, dans le cadre de ce qui nous intéresse ici, comme une légère bifurcation par rapport au parcours communément admis entre le moyen-âge et la renaissance, pour ce qui concerne la picturalité. Jérôme Bosch utilise un registre de figuration très proche de celui que l'on connaît au moyen-âge. La fracture par rapport à ce qui le précède semble se situer assez nettement dans la trame narrative elle-même qui, ici, est tellement chargée qu'elle happe le spectateur dans le délire du fantastique. Le peintre résout la question de l'illusion en dissolvant celle de la vraisemblance dans une évocation d'un monde parallèle qui est celui du rêve, ou plutôt du cauchemar. Une dimension illusionniste de la picturalité est ici atteinte en recourant de façon massive aux ressources de la mise en scène. Jérôme Bosch produit l'illusion, le décollement de la réalité du fait pictural, par la mise en scène, technique que l'on attribue pourtant plus aisément au théâtre. Pourtant ici les personnages et éléments mis en scène n'ont pas recours à la matérialité dominante du théâtre occidental qui est la parole. Les caractères figurés de chacun des éléments intervenant dans la mise en scène court-circuitent une existence qui pourrait se négocier par le texte si l'on avait été dans le domaine du théâtre. Ce qui est intéressant ici c'est les glissements de rôles qui se sont opérés entre différentes pratiques artistiques au cours des époques. {html}<a name="tempsminiature"></a>{/html} '''temps miniature: le cinéma''' . Car au fil des évolutions technologiques le mouvement, au sens matériel du mot, est lui-même apparu dans l'art pictural, produisant une chose totalement nouvelle du point de vue des disciplines artistiques, et produisant du même coup un chamboulement dans ce petit monde du modèle réduit. Le film réduit le monde d'une façon très particulière, du moins si l'on s'en tient aux canons du cinéma tels qu'ils se sont imposés un peu partout: deux dimension qui peuvent prendre autant (voire plus, dans le cas du gros-plan) de place que dans le réel auxquelles elles se réfèrent et une troisième, le temps, qui elle se trouve très souvent réduite de façon discontinue, par saccades. Le temps y est comprimé d'une manière particulière: par paquets juxtaposés les uns après les autres, sautant au-dessus de segments de temps qui auraient existé dans la réalité. C'est ce qui permet, par exemple, de faire tenir dix ans dans une heure et-demie. Ici l'impératif illusionniste a encore joué, préférant une compression du temps par bonds à une compression linéaire qui aurait produit à nos yeux d'occidentaux un effet à par entière, celui d'une accélération en l'occurrence. Chaque axe de réduction, du moins dans une visée illusionniste, a son mode qui lui est propre. {html}<a name="lalitterature"></a>{/html} '''La littérature''' . Ainsi nous voyons, au fil de progrès des techniques (la perspective, la photo, le cinéma), un relais de rôles et de compétences s'organiser entre différentes disciplines artistiques. Il reste à mentionner que ces « progrès » ne se font pas uniquement du côté des créateurs, mais aussi du côté du public. A cet égard on peut remarquer que ce qui contribue également à faire disparaître progressivement la dimension narrative de l'art pictural c'est l'alphabétisation des masses, cette étape au cours de laquelle le public se dote (est doté) des décodeurs qui lui donnent accès au texte. . Mais le cas du texte est assez particulier en ce qui concerne le modèle réduit. Le trouble intervient sur les axes de réduction: quels sont-ils et comment sont-ils traités? En fait on peut considérer le modèle réduit produit par l'écrit comme une notice de montage qui s'adresse directement à l'intellect qui se trouve chargé de synthétiser. Ici c'est la notion même de matérialité qui se trouve réduite à une existence mentale, référentielle, indirecte, théorique. La littérature quelle qu'elle soit, se base toujours sur la description, avec simplement des modes de précision qui procèdent de manières très diverses, allant de la description métrique aux touches les plus nébuleuses. Elle est le plan d'élévation suffisamment crédible pour que la pensée du lecteur puisse se rendre présent à l'esprit ce dont il est question. {html}<a name="transitoires"></a>{/html} '''Les matérialités transitoires de la poésie''' La poésie adopte sur la question de sa matérialité une posture extrêmement singulière et inattendue. Facilement amalgamée, dans notre classement des pratiques de création, avec la littérature sur le plan de sa réalisation, donc de sa forme, elle peut cependant sauter d'un registre formel à un autre. Elle ne se négocie même pas comme plan de reconstitution mentale pour ses récepteurs. Elle peut adopter n'importe quel plan de matérialité, mais il s'agit bien d'adoption, et non pas d'incarnation. Autrement dit la poésie, même lorsqu'elle met en œuvre deux, trois ou quatre dimensions, n'est liée en aucune manière à cette matérialité d'emprunt. La poésie est dénuée d'attributs formels au sens matériel. Plus qu'immatérielle, on pourrait la qualifier d'esprit. . La tendance que l'on a à rattacher la poésie à l'écriture trouve sans doute ses sources dans une ressemblance entre la pré-matérialité que constitue l'écrit et la transcendance matérielle que constitue le passage indifférent de l'une à l'autre. La poésie s'appuie sur différentes matérialités, sans jamais s'y fondre. {html}<a name="lamusique"></a>{/html} '''la musique comme totalité''' La musique est un modèle réduit du tout. Elle ne tente pas de représenter les choses elles-mêmes mais la relation entre ces choses. C'est ici que notre système descriptif métrique s'effondre complètement. La notion de modèle réduit opère encore à condition que le modèle même de description du réel soit remis en cause. Ce modèle à quatre dimensions fonctionne concernant les êtres humains sur la surface terrestre tant que l'univers n'est pas envisagé. Or les investigations au-delà de cette surface, dans l' infiniment grand et l' infiniment petit, via la lunette de Gallilée par exemple, nous amènent à envisager d'autres modèles, ou tout au moins à relativiser nos quatre dimensions. La physique quantique est bel et bien une pratique qui s'avère être un mode pertinent d'étude et de description de la réalité alors même qu'elle remet en cause notamment la linéarité de ces dimensions et se met soudain à les rendre élastiques. . La musique a anticipé ces découvertes et ces remises en cause en travaillant à construire des descriptions du réel non pas à partir des systèmes connus de description mais à partir d'un système inédit. Ce système, la musique n'aurait pas pu le construire en partant d'une perception de la réalité extérieure par nos sens. La musique est partie de l'intérieur de l'humain et s'est concentrée sur la relation entre la réalité et la sensibilité des êtres humains qui y évoluent. Ainsi la musique a pu établir un rapport indirect avec la réalité extérieure et ne pas être prise dans le jeu des illusions d'optique. . L'outil de connaissance qui permet de se repérer dans la construction d'une musique n'est pas la perception sensorielle mais le ressenti. '''habiter une chanson''' Dans une situation angoissante, par exemple dans la nuit, lorsqu'on se met à penser à des périls réels ou imaginaires une tactique pour repousser ces pensées. Cette tactique consiste à chanter. J'étais hébergé dans le squatt d'amis anarchistes. Sur les murs étaient peints et affichés des slogans à consonance révolutionnaire et contestataire. Je me souviens d'un de ces slogans: « L'ennemi est partout. Ne l'oublions pas! ». Divers slogans de ce type et de cette teneur n'ont pas une portée directement effective, ni même une portée d'objectivité. Je pense qu'il s'agit en fait d'un bout d'un chant, {html}<a name="artcontemporain"></a>{/html} '''l'art contemporain: modèles réduits d'actions''' . Dans l'art contemporain s'est développée une forme de réduction qui aboutit sur des actions fictionnelles. Une vague de propositions artistiques prennent la forme d'entreprises fictionnelles, de jeux à jouer, de rôles. Ce ne sont plus des objets au sens matériel qui sont conçus et réalisés mais des actions qui sont organisées. Certains artistes fondent une entreprise qui ne produit rien et ne fait pas de profit et qui a pour fonction essentielle d'être exposée en tant qu'oeuvre. Jouer à gulliver: Dans le cas de Claes Oldenburg c'est les êtres humains eux-mêmes qui deviennent momentanément des modèles réduits. Le sculpteur fait apparaître les éléments d'un décor dans lequel l'humain, devenu un petit bonhomme, évolue. Robert Morris produit un effet similaire avec celles de ses sculptures qui se présentent comme des volumes géométriques simples de taille humaine, comme des figures qui se seraient échappées d'un cahier d'écolier. Ce sculpteur, identifié aux minimalistes des années soixante, crée des volumes d'une simplicité et d'un épuration très aboutie. Ses pièces mesurent habituellement des tailles qui concernent directement le corps humain. Les visiteurs de ses expositions se trouvent ainsi face à des ensembles de volumes qui rappellent des jeux de construction mais qui, au lieu d'être manipulables avec les mains ne peuvent être bougés qu'en impliquant l'ensemble du corps. . Le bac à sable pour adultes: Jason Rhoades condense des éléments issus de et constituant l'institution du monde réel dans un territoire qui est un monde miniature composé à partir d'éléments du monde. Dans une salle d'exposition il rassemble un grand nombre d'objets qui dans la réalité ont une fonction précise et qui se côtoient dans cet espace d'exposition alors que dans le monde réel on ne les voit pas ensemble. Évoluant dans ce territoire le visiteur se trouve dans la représentation d'un terrain de jeu. Jason Rhoades met en évidence la dimension latente de ludisme des adultes dans le réel. . Contes et mythologies post-technologiques: Chez Mathew Barney apparaissent, sous forme de vidéos et d'installations, des scènes aux accents hautement mythologiques. Dans ces scènes diverses innovations technologiques et scientifiques tiennent un rôle qui n'est plus utilitaire mais un rôle de quasi-personnage, d'extensions ou d'attributs marquants de personnages. Ces outils et technologies interviennent comme des personnages ou éléments de décor mythologiques. Quand aux personnages eux-mêmes ce ne sont pas tant des hommes que des anges, au sens où ils n'interviennent pas pour leur caractère d'individus mais en tant que messagers, réceptacles, témoins, véhicules de l'ordre de jardins imaginaires, oniriques, féériques. {html}<a name="modelereduit"></a>{/html} '''les modèles réduits et le jeu''' Dans le cadre du jeu l'enfant accomplit des choses impossibles ou terribles. Il tue, il meurt, il a le pouvoir de voler, de ressusciter, de se transformer. . Imaginons le cas suivant: un petit garçon joue avec ses petites voitures. Il élabore des règles, repère des axes de cohérence avec ce qu'il apprend du monde réel, en transgresse certains par des stratagèmes. Mais dans tous les cas il se met progressivement à envisager de par lui-même un rapport entre son modèle réduit de jeu et le monde réel qui le domine et lui échappe. Imaginons qu'il s'impose brutalement une cohérence totale entre son modèle réduit et le monde auquel ce modèle se réfère. Il ne serait plus alors capable de jouer. Par exemple il ne se permettrait plus d'imiter avec sa voix le « vroumvroum » des moteurs. Il ne se permettrait plus de « tricher » en poussant à la main des voitures qui, en référence à leur modèle grandeur nature, devraient avancer par elles-mêmes. Le jeu lui deviendrait impossible parce qu'il s'interdirait tout simplement de jouer. Lors de l'enfance le jeu est l'antichambre de la vie adulte, le laboratoire dans lequel s'élaborent les prises de repère par un individu du monde dans lequel il sera amené à exercer des responsabilités. Il est question de se représenter, de se faire une représentation de choses. Sans représentation du réel le champ d'action ne peut dépasser celui immédiat et infiniment proche du réflexe. Si le réel fait irruption en totalité et d'un seul coup dans la conscience d'un individu celui-ci ne peut pas réagir par son intelligence et ne peut faire face que au moyen de ce qu'il a de plus immédiat. Du même coup il n'a pas non plus d'espace-temps pour construire un rapport au réel lorsque celui-ci fera à nouveau d'inévitables irruptions par la suite. L'irruption du réel dans le monde d'un individu qui ne sait pas faire face à cela produit les mêmes effets qu'une agression, là où un individu ayant pu développer les moyens d'y faire face saura y réagir dans la gamme des efforts qu'il est entraîné à produire. . L'enfant, n'étant pas instruit du monde, est encore en contact avec le réel. L'adulte prenant place dans le monde réel prend bel et bien place dans un monde, autrement dit, dans une modélisation du réel. Il s'inscrit dans une modélisation qui est dans un rapport acceptable (tout en étant imparfait) pour un grand nombre de personnes, le groupe social auquel il se rattache, entre la réalité et une modélisation. Mais cette acceptation suppose périodiquement des renoncements entre ce que l'adulte continue à recevoir de la réalité (la réalité l'impressionne, fait impression sur lui) et ce qui est partageable dans la modélisation du réel qu'est le monde. Pendant ce temps l'enfant, n'étant investi d'aucune responsabilité à l'égard du monde, se permet d'exprimer les impressions que la réalité provoque chez lui, sans se demander si cela est intégrable dans le modèle-monde. Une expression aujourd'hui en désuétude appelait l'enfant « le drôle » . . Tant qu'il ne se superpose pas au monde réel le monde du modèle réduit n'est pas un substitut, n'est pas une drogue, ne constitue pas une régression. Une relation, un échange s'instaure entre le réel et le modèle réduit. Le modèle réduit existe malgré le monde. L'existence du monde ne remet pas fondamentalement en cause celle du modèle réduit. Le modèle réduit n'a pas besoin de nier le monde réel pour exister et se développer {html}<a name="metierartiste"></a>{/html} '''qu'est-ce que le métier d'artiste''' Le métier d'artiste consiste à prolonger la pratique du modèle réduit au-delà de l'enfance. Les adultes, contrairement aux enfants, ont à assumer une responsabilité réelle dans le monde réel. Ayant cette responsabilité ils se reconnaissent comme étant en mesure de l'assumer. Comment se fait-il alors que la pratique du modèle réduit, autant en tant qu'acteur qu'en tant que spectateur existe au-delà de l'enfance? . Comme nous l'avons vu dans le cas de l'enfant le modèle réduit n'est pas désindexé du monde réel, qui n'est pas lui non plus désindexé du modèle réduit, ou du moins des modèles réduits. On a vu que les capacités d'agir dans le monde proviennent en partie des fictions développées dans les modèles réduits de l'enfance. Un modèle réduit fonctionne et se développe dans une relation à son référent. Pendant quelques siècles la figuration, reposant sur un lien à l'optique, a été le mode privilégié de relation au monde réel. . La tâche de l'artiste consiste simultanément à développer son modèle réduit en tant que modèle réduit et à susciter de l'intérêt des autres personnes pour son modèle réduit en tant que modèle réduit. Pour susciter cet intérêt il a à établir un fait, un axe, de réduction qui soit abordable par les visiteurs de son modèle. Les visiteurs doivent pouvoir adopter des portions de ce monde dans leur mode personnel. A un certain niveau l'artiste et le visiteur accomplissent la même opération. . L'artiste travaille à découvrir une terre nouvelle qui puisse être habitable, au-delà des terres connues. . Deux écueils dans le métier d'artiste: un qui consiste à tenter de conformer le monde à l'image du modèle réduit; l'autre qui consiste à forcer son modèle réduit au sérieux et à s'interdire d'y jouer. Ces deux écueils reviennent du côté de l'artiste à une même chose qui est de fusionner/confondre le modèle réduit et le monde réel. Dans le premier cas -------- .On trouve fréquemment le second cas dans un certain nombre de tendances de l'art contemporain dans lesquelles la pratique artistique tente de se professionnaliser et de ressembler aux modèles sociaux de responsabilité de type homme d'affaire, expert en communication. {html}<a name="politiquereduit"></a>{/html} '''Dimension politique du modèle réduit''' politique et modèle réduit Une application à la réalité d'un modèle réduit aboutit à une crise entre réel et représentation. Le cas emblématique de ce genre de situation est la dictature. . Le monde miniature est un domaine dans lequel des choses qui ne sont pas intégrables dans le monde commun peuvent avoir une existence. Elles ont une existence réelle mais n'ont pas d'existence dans le réel. On se trouve dans le paradoxe de choses que des individus ressentent la nécessité personnelle de faire exister mais qu'ils ne peuvent pas faire exister dans le réel sans remettre en cause la possibilité à d'autres mondes miniatures d'exister. Le réel bannit les mondes miniatures mais il est la voie de circulation entre ces mondes miniatures. Le monde réel accepte l'existence de mondes miniatures mais pas sur son territoire. Les modèles réduits prennent une place réelle dans le monde réel: salles et organisations d'expositions, revues d'art, etc. Cette place est acceptée et organisée dans le monde réel sous le nom et l'idée de divertissement, loisirs, et autres noms et idées apparentés. . Le monde réel est constitué de et par l'influence d'une multiplicité de modèles réduits. . Des modèles réduits peuvent très bien se croire et se prétendre monde réel. On assiste à de tels phénomènes notamment dans les régimes utopistes totalitaires. . Le modèle réduit réagit à l'usure du monde réel en préparant des alternatives. Le passage d'un élément d'un modèle réduit au monde réel se fait par adhésion d'un grand nombre, d'une convergence de consciences de personnes. {html}<a name="tientlecoup"></a>{/html} '''Ça tient le coup''' Plus le modèle réduit d'un individu tient le coup et s'affirme face à un monde et bien que prenant pleinement conscience du monde, et traitant les oppositions du monde au modèle réduit, plus cet individu est un artiste qui nous étonne, nous échappe, nous dépasse, nous marque. Objectivement le réel est un démenti au modèle réduit. Mais je jeu, tant qu'il reste un jeu, est invincible et résiste à toutes les pressions extérieures au sens où il est une tension intérieure, une exigence du joueur à parvenir à un jeu cohérent. Un jeu cohérent c'est un exercice qui consiste à mettre en équilibre les prétentions de réalisme du jeu avec sa formulation. Ce qui intervient dans cet équilibre c'est notamment le degré d'exigence tel qu'il est annoncé et défini, au sens où le degré de réalisme doit être défini. {html}<a name="villagecosmos"></a>{/html} !!!'''village et cosmos''' {html}<a name="villagegrandeur"></a>{/html} '''le village comme grandeur parfaite''' En tant que faisant partie de l'espèce humaine notre échelle de représentation spontanée du monde est de l'ordre du village. Dans des ensembles plus grands, tels que le monde, la ville, la toile électronique, nous reconstituons spontanément un village dans lequel nous nous intégrons. C'est ainsi que, par exemple, la presse à scandales crée et anime, sur la base de personnes qui ne nous sont pas directement connues, des personnages dont nous est présentée l'intimité comme nous l'entendrions dans des potins de village. Les médias de masse, dont on aurait pu s'attendre à ce qu'ils fassent voler en éclat cette échelle de représentation en la remplaçant par une échelle mondiale ont en fait abouti à une reconstitution d'un village électronique, du village avec une composante électronique. Ainsi nous avons une impression de proximité avec des nouvelles nous parvenant d'origine très diverses, ayant ainsi l'impression que ce que nous voyons sur nos écrans se trouve au seuil de notre porte, ou encore que des faits exceptionnels qui se sont produits pour une poignée de personnes sur un total de plusieurs milliards sont devenus des faits courants puisque nous les avons ressentis comme s'ils avaient eu lieu dans notre village. Nous opérons spontanément une distorsion d'échelle. Le village paraît être à la fois la mesure de notre capacité de représentation et la limite au-delà de laquelle nous avons de réelles difficultés à nous représenter une communauté humaine, limite au-delà de laquelle les choses deviennent abstraites, au-delà de laquelle notre imagination est remplacée par une abstraction mentale, conceptuelle. Quelle est la taille canonique d'un village? Il faut se demander jusqu'à combien de personnes il est possible à chaque membre du village d'instaurer un rapport direct, c'est-à-dire un rapport sans médiation. Car dans un village il n'y a pas de système. Or la médiation implique un système. Le chiffre de trois-cent personnes a été avancé. {html}<a name="espaceorgane"></a>{/html} '''l'espace-organe''' Le village se révèle être un espace-organe, au sens où l'esprit humain parvient de façon naturelle et sans technique particulière à l'envisager. On peut se le représenter comme une bulle qui entoure le corps, une bulle aplatie et d'un diamètre horizontal d'environ une dizaine de kilomètres au grand maximum, ceci au regard de ce qu'il est possible de pratiquer en terme de voisinage. Cette bulle est de forte densité là où la personne passe l'essentiel de son temps. Cette densité s'affaiblit là où cette personne passe moins de temps et devient presque nulle à ses limites. Dans cette bulle la thèse de la terre comme étant non pas une sphère mais une surface plane se présente comme la plus vraisemblable, la courbure de l'horizon n'étant même pas perceptible. D'un point de vue biologique cette perception de la réalité est tout-à-fait pertinente et opère de façon satisfaisante pour assurer notre survie d'êtres terrestres. Envisager que la terre soit plate et non pas ronde ne remet absolument pas en cause notre efficacité de villageois sur la surface terrestre. . On serait tenté de penser que avec l'avènement et l'omniprésence des moyens de communication à distance dans le monde contemporain ce schéma n'est plus valide. Les médias ont en effet opéré des prolongements des présences, des prolongements pouvant mesurer jusqu'à des millions de kilomètres, si l'on pense aux sondes spatiales et aux télescopes. Pourtant ce qui ne change pas au niveau de la bulle c'est son volume total. Seule sa forme change, forme que l'on peut se représenter comme une sphère aplatie d'où partent des filaments très longs et très fins. Ainsi si nous observons la situation nous assistons à des phénomènes très curieux. Par exemple, le fait que quelque chose qui ait lieu à des milliers de kilomètres d'un endroit donné ait le même impact sur des téléspectateurs que si cela s'était objectivement passé dans leur quartier. En fait, via les médias, cela s'est passé dans leur village. Et, par exemple, cet événement pourtant lointain prendra autant d'importance dans leur conversation que si cela s'était passé effectivement dans leur village. De façon cette sphère aplatie qu'est l'organe-village accepte à-peu-près toutes les distorsions tant que sont volume et son étanchéité sont conservés. Ainsi le villageois peut se rendre à l'autre bout de la planète sans avoir à sortir de son village. Il suffit pour cela qu'il le fasse dans le cadre d'un voyage organisé. {html}<a name="horsorganes"></a>{/html} '''hors des organes''' Que se passe-t-il pour un individu qui, se rendant aux limites de son organe, se met soudain à franchir cette limite? Il peut arriver que quelqu'un dépasse les limites de son organe. Cette personne se trouve alors projetée dans une expérience cosmique, sans transition. Une fois l'enveloppe de l'organe crevée c'est le cosmos qui révèle sa présence. Si la personne qui fait cette expérience ne l'accepte pas le cosmos est interprété comme étant la folie, la destructuration de l'être, son auto-déchiquetage. . Un individu qui sort de façon répétée et volontaire de son organe et qui accepte ces sorties peut être qualifié de voyageur. A l'inverse un individu qui ne peut pas en sortir peut être qualifié de villageois. {html}<a name="universdecor"></a>{/html} '''univers-décor''' Depuis le développement et la diffusion de la rationalité occidentale le villageois voit son échelle de repères soumise à rude épreuve. Comment faire, lorsque, voyant par les médias des images du globe terrestre, il s'agit de conserver son échelle de repères qu'est le village? L'idée d'universel est biaisée. Un villageois ne peut pas envisager l'universel. Même en étant radicalement déplacé de son lieu géographique d'habitation le villageois reconstitue ce lieu là où il se trouve. Nous voyons ce phénomène à l'œuvre dans des faits typiques de la société-système. Ainsi dans la pratique du tourisme, du moins dans sa forme de voyage organisé, des villageois se trouvant pour une courte période dans un endroit qui leur est étranger trouvent leur mode de vie reconstitué. Et ce n'est alors que le décor qui change: palmiers et plage en lieu et place du béton gris et du macadam humide. Le voyage touristique organisé peut être considéré comme une pratique d'aménagement intérieur plutôt que comme voyage. Une autre illustration nous est fournie par la façon dont nous avons tendance à ressentir et à interpréter les nouvelles nous parvenant de la planète entière via les médias. {html}<a name="villagefilaire"></a>{/html} '''Villages filaires''' Dans une société-système les villages en se présentent plus comme des concentrations d'habitations. Sur le plan géographique un seul village peut, via les moyens de communication actuels, être constitué de fragments se trouvant en divers points du globe. {html}<br></a>{/html} {html}<br></a>{/html} le chemin de fer, cathédrale horizontale Nous avons l'habitude de considérer les cathédrales comme des chef-d'œuvre du moyen-âge. Quelle est la taille du chemin de fer? Qui en est le créateur? Le chemin de fer parcourt une grande part d'un territoire national. Si le chemin de fer n'est pas considéré comme une œuvre c'est sans doute qu'il est trop grand. Sa sur-monumentalité fait qu'il se dissout. Il n'a plus l'unité d'un monument. _Le fait d'auteur ayant abouti au chemin de fer est trop dilué pour qu'on le prenne comme tel. Qui sont les auteurs, ou ne seraient-ce que les artisans du chemin de fer. La volonté se dilue. Des volontés trop marquées auraient segmenté l'équipe, une équipe à l'échelle d'une société. {html}<br><br><br><br><br><br><br><br>{/html} {html}<a name="chambredisto"></a>{/html} !!!'''chambres de distorsion''' {html}<br></a>{/html} la figure de l'écho {html}<br></a>{/html} la bande-son comme lieu, ou une expérience des lieux filaires {html}<br></a>{/html} {html}<a name="tapisroulant"></a>{/html} '''tapis roulants''' Entre autres pistes de travail ma période d'étude en arts visuels a vu apparaître dans ma pratique plusieurs réalisations de zones de distorsion du temps. Dans des lieux de type salle d'exposition les visiteurs entendaient une diffusion de ce qui paraissait être une bande son mais dans laquelle il apparaissait des traces sonores de leur présence dans le lieu antérieures de quelques instants à leur présent. Une diffusion sonore était installée à un point d'écoute ou dans une salle d'exposition. Sur le plan technique pour produire des retards de temps je construisais essentiellement des systèmes à bande magnétique dans lesquels la tête d'enregistrement et la tête de lecture étaient séparées d'une distance qui allait de quelques centimètres à plusieurs mètres. En rapport avec la vitesse de défilement de la bande magnétique cette distance entre le point d'enregistrement et le point de lecture déterminait le temps de retard. Elle était aménagée en fonction d'un rapport entre les dimensions de la zone spatiale que mes pièces concernaient (elles concernaient parfois un parcours) et entre l'usage qu'avaient les personnes de cet espace. Dans une première phase je travaillais avec des systèmes analogiques à base de magnétophones à bande très volumineux. Le système était visible, voire montré. Puis j'ai travaillé à base de magnétophones à cassette que je modifiais et je me suis acheminé vers une discrétion de la présence du montage technique en lui-même, les magnétophones étant devenus quasiment invisibles, d'une part parce qu'ils étaient en eux-mêmes plus petits, d'autre part parce que je les voulais plus petits et qu'en plus je les cachais ou ne les montrais pas. {html}<a name="miroiranamorph"></a>{/html} '''miroirs, anamorphoses''' Un travail antérieur a amorcé cette série, sans en faire directement partie. Il s'agissait d'une modification d'une acoustique au moyen d'un dispositif électronique. Une salle d'exposition de très petite dimension réverbérait comme une cathédrale tout son qui y était produit par la présence des visiteurs (bruits de pas, voix, etc.). Outre un microphone et un système d'écoute stéréophonique j'avais mis en œuvre une réverbération électronique. Sur le plan technologique, dans les appareils actuels, le phénomène sonore de la réverbération acoustique des salles est modélisé (imité) par un montage de lignes à retard qui enregistrent le signal audio qu'on leur envoie puis se rediffusent les unes dans les autres cet enregistrement avec un court laps de temps de retard. Le phénomène sonore de réverbération se comporte comme un écho très court dont les répétitions se mélangeraient, créant un magma, une masse qui tend vers le bruit. Comparé à un écho une réverbération sonne comme une résonance: au lieu de s'entendre séparément les répétitions du son se mélangent au point de former une masse compacte qui est le son de la réverbération. Lorsque nous produisons des sons dans un lieu réverbérant nous entendons en retour des entités sonores qui proviennent directement de ce que nous avons produit mais qui n'y ressemblent pas. Les sons réverbérés sont comme des avatars de nos propres sons. Nous disséminons notre présence dans un lieu et dans le temps sonore de ce lieu, dans sa résonance. Un premier degré de dédoublement apparaît dans le jeu de la réverbération. {html}<a name="formutil"></a>{/html} '''Ça a la forme de son utilisation''' Dans toute cette lignée de travaux la technologie apparaît par elle-même et pour elle-même, pour son propre potentiel expressif, par les structures de représentation qu'elle porte et sur lesquelles elle repose. Un phénomène transitoire qui normalement (c'est-à-dire dans la perspective dans laquelle cette technologie a été développée et mise en œuvre) reste un épisode de travail et n'apparaît pas dans ce qui est présenté au final. Or ce phénomène transitoire prend ici une existence propre pour se rendre présent aux visiteurs. Ici il n'y a pas de projet pré-existant à la technologie à laquelle celle-ci serait mise à contribution. Sans la technologie le projet ne se formule même pas car c'est la manifestation d'une technologie qui motive le projet lui-même. Sans la technologie il n'y a pas de nécessité artistique au projet. Le projet artistique vise et désigne l'existence du moyen technique de sa réalisation, ce moyen technique lui-même, précisément. La dichotomie contenant-contenu n'est pas adaptée ici. La nécessité artistique propre à ces travaux vient d'une rencontre que j'ai avec un outil que je considère comme un personnage. Ainsi mon rapport à la technologie est un rapport de rencontre. Ce que j'appelle le personnage de l'outil ce sont généralement des détails qui trahissent l'artificialité des machines, un bruit de fond par exemple, ou un caractère un peu sec dans une reproduction quasi-parfaite, ou trop parfaite, d'un son. {html}<a name="strategiform"></a>{/html} '''Une stratégie pour la forme ''' L'art contemporain nous désoriente par rapport aux idées que nous pouvons avoir de ce qu'est une forme. Comment faire dans un climat d'épuisement de la notion de forme quand on ressent d'un point de vue personnel cette idée de forme, que l'on pense en faire l'expérience sensible? Où trouver cette notion de forme, lorsque, participant soi-même activement à cette dissolution contemporaine de cette notion on refuse d'aller la chercher dans les endroits où elle est sensée se trouver? Une forme n'apparaît pas ex-nihilo. Elle apparaît dans un magma, dans un flux. Or ce magma chacun de nous en fait partie. Ce flux, notre être conscient y est intégré. La difficulté particulière dans le champ des pratiques artistiques c'est que la forme y est un élément courant, un élément du magma, du flux. Y générer une forme c'est s'intégrer parfaitement dans ce magma et ce flux. Par conséquent c'est ne pas générer de forme, annuler, dissoudre, évaporer la possibilité pour une forme d'apparaître, d'exister. Donc, de ce point de vue, en art générer une forme c'est générer un incident ou accident de forme. Mon activité en tant qu'artiste ne serait plus une activité de la forme mais de l'accident (une forme ne pourrait pas être détenue en soi). Cet accident n'existe pas en-soi. Il se produit lors de la rencontre entre la proposition artistique et la conscience de la personne qui s'y trouve confrontée. On peut comparer ce phénomène d'instant de la forme dans un contexte à un trajet habituel en voiture mais au cours duquel se produirait une crevaison d'un pneu. L'automobiliste, arrêté sur le bas-côté de la route pour remplacer la roue crevée, se trouverait alors projeté dans une situation qui lui est nouvelle sur ce trajet qui lui est habituel. Transposé dans le domaine de l'art c'est dans la relation entre la normalité du trajet et la spécificité de la situation de la crevaison qu'apparaît une forme. La forme est un noeud dynamique, en contradiction finalement avec l'apparence statique que nous avons tous tendance à lui donner pour la conserver. {html}<a name="croirsavoir"></a>{/html} '''croire, savoir, imaginer''' Il est frappant de voir combien les communautés humaines ont travaillé à bâtir une vision du réel, une fable. Et nous-mêmes nous n'y échappons pas: une anti-fable, fût-elle positiviste et rationaliste, est encore une fable. Manifestement nos sens n'ont pas pour rôle de nous faire appréhender en conscience la réalité mais de nous y faire survivre et vivre. Ainsi, notre sens de la vision ne nous transmet que les impressions lumineuses qui concernent notre vie sur la surface terrestre, et ne nous transmet pas les rayons ultraviolets ni les rayons X, ni les ondes radio par exemple, de la même manière que nous n'avons pas de senseurs magnétiques. Et nous ne sommes pas restés à attendre que l'évolution de notre constitution biologique « reconnaisse » et valide nos envies d'étendre le spectre de nos sens comme des besoins et les traite en tant que nécessaires à notre survie et ne nous dote par exemple d'antennes radar dès la naissance. Nous avons formulé un axe de développement de notre civilisation appelé « progrès ». . Une part importante de l'activité scientifique a toujours consisté à tenter de déterminer ce qui est réellement à l'œuvre au-delà de ce que nous percevons de la réalité qui nous entoure. Notre subsistance matérielle n'avait pas directement besoin pour être assurée de considérer la terre comme autre chose qu'une surface plane. Pourtant quelques savants, depuis entrés dans l'histoire, sont allés imaginer puis vérifier que la terre, bien au-delà de ce qu'ils nous est donné de voir de nos yeux à hauteur du sol, est ronde. Laquelle de la terre plate ou de la terre ronde stimule le plus l'imaginaire? {html}<a name="metriqburlesq"></a>{/html} '''métrique et burlesque''' Dans l'histoire des arts sonores dans la culture occidentale l'intervention de la science tient une place déterminante car elle a produit une approche du son différente de celle qu'avait la musique, seule pratique jusqu'alors à considérer le son, fût-ce dans une relation utilitaire, comme support d'une structure musicale. Le point de vue scientifique sur le son dégage ce dernier de l'emprise affective que la musique exerce sur lui, d'une relation exclusive. Il revient à la source du son en lui-même et efface le tableau des affects liés aux différents sons dans la musique. Etudiant le sonore la science a généré un champ de sons neufs, non pas en créant de nouveaux sons mais en remettant en cause nos habitudes de rapports aux sons. . Mais une fois la période revivifiante de la découverte passée la science perd de son rapport au sensible. Car il ne suffit pas de constater une rupture. Il faut encore trouver et établir des continuités qui soient plus actuelles, faute de quoi le passé, avec et malgré sa fatigue, son épuisement, apparaîtra encore comme la seule solution. Par rapport à cela je me suis senti la nécessité de remettre en route un rapport de découverte avec le son. Je vois le fait de faire intervenir le son dans les arts visuels comme un acte proche de la mesure, de l'étude, procurant l'aménagement d'un point de vision. . Les technologies mises en œuvre dans les machines conçues pour le travail du son résultent de croisements de connaissances scientifiques. Dès lors ces machines peuvent être considérées comme des conglomérats encyclopédiques de savoirs scientifiques. . Isabelle Sordage a constitué une collection de petites règles qu'elle a soigneusement confectionnées et qui affichent toutes une graduation de 20 centimètres tout en étant chacune de longueur légèrement différente. Chacune de ces longueur correspond à un report scrupuleux de la distance donnée par des personnes auxquelles elle demande de lui montrer avec l'écart entre leurs mains une longueur de 20 centimètres. . Travaillant avec des machines conçues pour maîtriser le son je navigue pourtant dans l'étonnement. Je passe d'étrangeté en étrangeté. {html}<a name="docudoute"></a>{/html} '''documenter un doute''' Cette zone de mes travaux à base de retards divers a trouvé un prolongement dans une série de pièces dont la construction repose sur des jeux de distorsion de déroulement temporel. Il s'agit de pistes sonores qui donnent à entendre des enregistrements qui commencent par un pur artefact sonore technologique (un bruit électronique, genre bruit parasite pour certains, ou une tonalité quasi pure pour d'autres) pour se décanter petit-à-petit au cours du déroulement de la lecture et laisser apparaître progressivement l'enregistrement d'ambiance acoustique qui se révèle comme étant le constituant de base du son abstrait de départ. On entend donc la construction à rebours de quelques chose qui est en train de se construire. On est en présence d'un document (enregistrement comme document sonore, parce que consultable) de la construction de quelque chose, ou du déroulement d'un phénomène, tout en étant dans ce phénomène et en le vivant, simultanément dedans et dehors donc. A l'image de ce dessin d'un illustrateur humoriste dans lequel on voit un homme vomir, puis vomir ses entrailles, puis se vomir totalement de sorte qu'il se retourne comme un sac. . Mais ce qui est amené au visiteur dans ces pièces ce n'est pas le processus de fabrication mais la relation entre des indices d'écoute et le processus. J'établis un terrain de jeu autour d'une question qui apparaît par l'écoute et qui est « qu'est-ce qu'on entend ». Je travaille à faire évoluer la réponse par l'expérience vécue à l'écoute. Dans les premiers instants de la lecture la bande paraît se situer hors du cadre de ce que vit le visiteur dans l'exposition. Puis apparaît le procédé qui se révèle être un clin d'oeil à la présence du visiteur. {html}<a name="bandelieu"></a>{/html} '''bande-son et lieu ''' Dans ces pièces, bien qu'elles prennent la forme de bandes son, le rapport au lieu est très fort, tout aussi fort que dans les retards présentés dans des lieux de type salle d'exposition. Pourtant une bande son existant sous forme de multiple et diffusable en diverses situations et par diverses personnes n'est pas objectivement en soi un lieu. Mais ici c'est l'écoute, le fait d'écouter, le vécu de l'écoute, qui produit le lieu. Ce lieu existe par le mode d'habitation du temps d'écoute. On est à l'inverse d'une situation qui abolirait la notion de lieu, comme cela se fait habituellement en musique où la conscience est amenée à une flottaison, au sens d'apesanteur, par rapport à tout lieu et à une primauté de la vibration corporelle ou encore sans doute une expérience proche de la vie intra-utérine où la conscience de lieu n'a pas encore lieu d'être pour le fœtus. Au contraire on est ici dans une situation où c'est l'expérience concrète quotidienne du visiteur qui est sollicitée, par comparaison d'expérience entre un quotidien sonore physiquement cohérent et l'expérience qui est faite par le visiteur confronté à cette proposition plastique paradoxale. . Cette série de travaux est apparue par rapport à un cas concret que j'ai eu à traiter et qui était ma participation à une exposition collective. Je me trouvais alors dans une situation dans laquelle je n'avais que très peu de maîtrise de l'espace, notamment de l'espace acoustique. En effet la fluidité physique du son dans l'espace est encore renforcée dans les lieux d'exposition, où aucun travail spécifique n'a été développé sur le plan architectural pour une séparation entre différentes zones. Sur le plan physique une intervention sonore se trouve donc pour ainsi dire lâchée dans l'espace, et dans l'ensemble de cet espace. Son volume est gazeux, volatile, et non solide et fixe. Je me suis alors mis à travailler sur une construction de formes non pas sur le plan physique mais sur le plan mental, un développement temporel dont le mental du visiteur d'une exposition puisse expérimenter la forme, un peu comme une sculpture autour de laquelle il pourrait déambuler mentalement. . Le développement de la piste son en lui-même est simple: un bruit dont la décantation laisse progressivement entendre de quoi, de quels sons et sur quel principe, il est constitué. Plusieurs bandes sont réalisées sur le même principe et diffusées bout-à-bout en continu par un petit système d'écoute stéréophonique dans une zone très réduite d'un couloir de l'exposition. L'occupation spatiale de la pièce dans l'exposition tire parti de la présence du visiteur dans le lieu et de la présence résiduelle de son écoute. Chaque piste son développe l'ensemble de son processus dans une durée de deux à trois minutes. Ainsi lorsqu'il déambule dans le reste de l'exposition, hors du champ de la stéréophonie le visiteur a en bruit de fond une trace du développement temporel des bandes. Une écoute rapprochée qu'il peut choisir d'accomplir ou non en se plaçant entre les deux enceintes lui donnera alors les détails relatifs à l'impression qu'il avait dans une relation lointaine à ce qu'il entendait. Il pourra alors entendre le passage d'une masse sonore artificielle à des sons issus de notre expérience acoustique quotidienne, ainsi que le processus de ce passage. Chaque piste se comporte comme un volume compact constitué d'une surface plane pliée sur elle-même et qui se déplie progressivement jusqu'à la fin de la piste. On se retrouve donc dans un premier temps face à une forme explicitement artificielle, puis face à une forme en train de se faire, et enfin face à un simple cliché sonore d'une situation acoustique courante, rappelant quelque chose que chacun a pu entendre par ailleurs dans telle ou telle situation de la vie quotidienne. {html}<a name="espaceembarq"></a>{/html} '''espaces embarqués et surface du temps''' Par ce travail j'ai commencé à envisager le fait qu'une bande son peut ne pas constituer une totalité perceptive, un monde en soi, mais rentrer en relation dialectique avec la situation du temps, de l'espace et du contexte dans lesquels elle se présente. Je cherchais à embarquer dans une bande son un espace mental qui puisse se parcourir mentalement comme peut l'être physiquement (mais aussi mentalement) un espace réel. Dans cette pièce les sons diffusés par le dispositif sont pré-enregistrés, donc fixés dans le temps. C'est donc au niveau de l'esprit que ce mouvement peut se faire, dans la manière dont l'esprit peut ou non jouer avec ce qui lui arrive par le biais de la perception mise en relation avec son vécu et sa connaissance des espaces réels. Il s'agit de ne pas happer l'attention du spectateur, de lui laisser sa possibilité de mouvement, comme dans un espace qu'il peut parcourir physiquement. Les éléments que je fais intervenir dans mes bandes son ont souvent un degré de hasard dans leur présence. Le mode de montage des divers éléments sonores entre eux est souvent totalement mou, au sens où il donne à entendre des sons qui pourraient être agencés d'une façon différente de celle dans laquelle ils apparaissent sans que les bandes en soient fondamentalement différentes. Les divers éléments sont agencés entre eux dans l'idée de tester leur propre présence dans un contexte, et non de prendre une place définitive. Ces bandes restent des agglomérats de signaux test et ne prennent pas le statut d'œuvre définitive. C'est le test et non l'œuvre que je travaille à aboutir. C'est le test qui est l'œuvre (c'est-à-dire que mes œuvres sont des tests). . Je travaille avec des phénomènes de retard, redoublement et répétition, mais qui ne sont plus des phénomènes métriques réguliers, au sens de répétitions rythmées, donc prévisibles, tels que peut l'être par exemple l'écho entendu au sens de phénomène acoustique. Comme on peut établir une dynamique dans l'intensité sonore, c'est-à-dire un degré important de différence entre les sons les plus forts et les sons les plus faibles j'établis un espacement entre les sons tels qu'on peut les attendre et leur apparition effective. C'est-à-dire qu'avant de donner une suite à tel ou tel son je dégage un champ de possibilités tout autour de lui. Pour l'instant j'ai procédé pour cela essentiellement de deux manières. L'une consiste à ralentir le temps (on peut aussi dire à le distendre) à l'intérieur des bandes en construisant des évolutions très lentes, molles, distendues. Cependant même en terme de ralentissement je me suis démarqué d'un simple étirement régulier du temps en intégrant des flottements dans la régularité de l'horloge des bandes son. L'autre, qui provient d'une pratique de travaux pour espace d'exposition que je développe continuellement en parallèle, consiste à dissoudre la sensation de temps dans l'écoute des bandes, à mettre même la présence des bandes en retrait, à faire oublier que l'on est dans un cadre d'écoute délimité par une bande. Dans ce cas je suis passé d'un mode du parcours, pratiqué notamment par la composition musicale, à l'établissement d'un terrain, vague, d'une friche, d'une aire sur laquelle sont disséminés des objets et des signes. {html}<a name="faireavanttravail"></a>{/html} '''faire avant de travailler''' Toute cette zone d'activité est apparue chez moi dans une relation de rencontre avec des dispositifs technologiques déjà en fonctionnement, dans un contexte industriel et technologique déjà hautement élaboré et développé, du fait que je suis né dans une société hautement équipée en électronique et notamment en électronique sonore. Pour ainsi dire des visages me sont apparus dans les fonctionnements mêmes des machines à son (non pas des visages dans les fonctionnements mais les fonctionnements comme visages) présentes dans l'environnement domestique (via les chaînes hi-fi, récepteurs radio, alarmes, etc.), alors que ces outils n'avaient pour rôle de contribuer à faire apparaître des visages qu'au bout d'un processus de projet, d'une intention. Le projet est alors devenu pour moi de sortir du projet intrinsèque des équipements audio, de cette géométrie du projet comme on sortirait du modèle géométrique qui a accompagné et soutenu tout notre développement social et culturel (saut extra-culturel qu'accomplit vraisemblablement en discrétion à quelques moments de sa vie toute personne). Les choses ne se font plus par le travail d'un projet défini et réalisé de façon linéaire mais par la rencontre avec une entité qui se détache de soi-même, dans l'approche de ce phénomène de détachement. Quand à la fabrication, elle est mécanisée et automatisée: mes machines fabriquent des choses et moi j'écoute ces choses. La bande sonore apparaît ici par le vécu qu'en a le visiteur sans qu'il n'y ait pour lui de travail. Sa bande sonore apparaît sans qu'il n'en formule le projet. Au moment où dans mon parcours personnel j'ai assumé une position de créateur les machines fonctionnaient déjà. C'est cela que j'appelle assez spontanément les « robots ». Comme tout un chacun je suis entouré de robots, de machines qui fonctionnent déjà sans mon intervention. Mon acte d'artiste consiste à leur poser une question de simple curiosité: « qu'est-ce que ça fait si... ». Et cette question je la pose via une pratique de création sonore. {html}<a name="machinevecu"></a>{/html} '''machines à vécu''' Il ne m'est plus alors nécessaire de faire figurer le processus, en montrant par exemple les machines en elle-mêmes de visu, ni en les faisant figurer. Il ne m'est plus nécessaire d'expliquer les fonctionnements techniques des appareils (mécaniques, analogiques, numériques, virtuels) mis en œuvre. Ce qui m'intéresse c'est un autre fonctionnement: celui de la sensibilité. La machine est en nous et c'est avec elle que je travaille. C'est nos machines intérieures et intériorisées qui font apparaître mes pièces d'artiste. C'est bien d'êtres humains que proviennent les machines. Les machines sont une occasion de s'objectiver, de se mesurer. Se mesurer aux machines comme on se mesurait entre chevaliers. {html}<a name="galerieglace"></a>{/html} '''galerie des glaces''' Elargir le périmètre de l'écho, établir le périmètre de l'écho. L'une de mes pistes actuelles de travail consiste en une série de rediffusion d'enregistrements de sons apparus dans l'environnement du quotidien (le mien, voire le notre, quand ces prises de son sont acoustiques, le notre quand elles proviennent des radios commerciales). J'ai notamment travaillé à partir de journaux radiodiffusés. Ces enregistrements sont effectués par des dispositifs automatiques programmés branchés sur des récepteurs radio domestiques. Des systèmes de lecture automatisés se chargent ensuite de les relire dans un ordre que je ne contrôle pas (bien sûr, je travaille à faire une place spécifique à ce désordre). Le processus d'écho n'opère plus par une écoute de nous-mêmes mais ici d'une chose avec laquelle nous avons un lien, un son qui fait partie de notre quotidien, du son qui nous appartient en tant qu'étant localisé dans notre quotidien dans un espace et dans un temps. Comparé à un effet d'écho stricto sensu les temps de répétition sont élargis et la métrique régulière de l'espace de la mémoire de l'écho se trouve dissoute. Nous ne sommes plus dans un dispositif physiquement contrôlable dont nous pouvons reconstituer mentalement le déroulement en nous informant de l'heure qu'il est. Ce n'est plus les faits que nous contrôlons mais, s'il est encore question de contrôler quelque chose, notre façon de les vivre. {html}<a name="penseeforme"></a>{/html} '''des pensées dans les formes''' A Versailles sous Louis XIV la Galerie des Glaces était un dispositif de contrôle, qui produisait des images bien encadrées mais qui en produisait une multiplicité. Ce dispositif de miroirs multiples s'établit sur une contradiction entre la réalité de la vision et le cadrage du miroir. Sur le plan de notre constitution biologique d'êtres humains notre regard n'est pas constitué d'une zone nettement délimitée de vision nette en-dehors de laquelle il n'y a que de l'opaque, contrairement à ce que formalise le système pictural occidental avec sa définition d'une netteté égale sur toute la surface picturale et cette brusque interruption du champ de vision au-delà des bords. Notre vision, au sens biologique, est progressive, passant d'une zone de netteté centrale à une zone de plus-en plus floue sur les côtés, le tout dans une répartition plus circulaire et nuageuse que nettement rectangulaire. Dans la Galerie des Glaces la disposition des vues investit les marges de notre champ de vision ainsi que la partie aveugle de celui-ci correspondant à ce qui se situe derrière notre tête et que sur le plan optique nous ne voyons pas. De plus la multiplicité de vues de type pictural constituée de l'ensemble des miroirs est en contradiction avec le contrôle de l'image des sujets par eux-mêmes que devrait permettre le cadre limité de chacune des ces images. L'appréhension même du flou comme limite progressive du champ de vision est elle-même dissoute. Comme « troisième œil » je propose le sonore, mais à condition que le regardeur autorise une vacance à son observation (tant auditive que visuelle d'ailleurs). Par jeu de fragmentation et retour de fragments de l'axe temporel de la bande son je m'amuse à accélérer un système de galeries des glaces beaucoup plus vaste spatialement que celui de Versailles et qui est le système médiatique. Je me vois comme un individu dans un gigantesque système qui est le système médiatique et qui m'apparaît dans mon imagination comme étant comparable à la galerie des glaces. Pour moi la galerie des glaces redevient un jeu, un kaléidoscope. {html}<a name="enregistreecho"></a>{/html} '''l'enregistrement comme chambre d'écho''' Nous appréhendons l'enregistrement essentiellement comme un média. Mais la lecture d'un enregistrement n'est pas simplement documentaire. Pour une personne qui est en train d'entendre cette lecture il s'agit également d'une expérience. On peut considérer les différentes auditions par une même personne d'un même enregistrement comme un écho étendu dans le temps, un écho à très grande échelle, l'auditeur basculant dans une temporalité miniature de lui-même. Chaque nouvelle audition de l'enregistrement apparaît comme en rebond par rapport à la précédente. . En cela j'envisage l'ensemble de ma production comme une vaste chambre artificielle d'écho de sons qui me parviennent de mes diverses situations quotidiennes de vie. Je peux à présent envisager mes bandes non comme des formats fermés mais comme des éléments d'expérience. Je vois mes enregistrements comme des rebonds de la projection dans le réel que sont nos vécus. Ainsi Truc se présente sous forme d'un boîtier contenant deux exemplaires d'un même disque dont chaque piste tient plus du bruitage à intégrer dans un acte de lecture que d'une piste qui serait à écouter dans une simple perspective stéréophonique. Chaque piste de Truc peut être considérée comme un fragment qui aurait été découpé et extrait d'un écho. . Mais j'envisage également tout enregistrement apparaissant dans tout type de média comme un fait d'écho. C'est ce que l'on peut entendre par exemple dans Un Clocher, pièce sous forme de piste sonore qui est constituée d'un très grand nombre de répétitions de trois très courts extraits d'un disque du commerce. {html}<a name="formatearpente"></a>{/html} '''formater ou arpenter?''' Un enregistrement n'est rien de plus qu'une matière formée de manière à retenir des informations sous forme de codes. Entendre un enregistrement c'est en soi ne rien entendre ou, pour être plus précis, entendre de l'insignifiant. On n'entend jamais que la synthèse générée par la convergence d'information. L'enregistrement, pour se manifester dans un ordre de grandeur qui soit significatif (c'est-à-dire qui prenne place dans notre expérience de perception acquise à la surface de la terre), branche pour ainsi dire le flux de ses informations sur un récepteur qui est en nous, un récepteur de code et qui traite du code. Ce qui se manifeste à nous comme étant entendu ce n'est pas l'enregistrement lui-même mais la synthèse qu'en produit notre complexe de décodage, l'impression synthétisée par le code reçu et traité. Cela explique que nous puissions éprouver une adhésion à des signaux qui sont très pauvres sur le plan de la finesse sonore, bien en deçà de notre finesse de perception physique des sons. En effet concernant un enregistrement de musique métrique ou tonale c'est la cohérence métrique et/ou tonale qui l'emportera sur l'imprécision sonore. Les systèmes musicaux métriques et tonaux s'appuient sur une mesure et une récurrence. Le sonore ne s'y adresse pas à du sonore mais à un système. La machine musicale est une machine qui est déjà en fonctionnement, un fonctionnement par défaut, chez l'auditeur avant que toute musique n'arrive à son oreille. Cette machine musicale reconnaît et réassemble en un assemblage intérieur, une intériorisation de la musique pour chacun, ce qui est diffusé pour tous. Les musiques avant-gardistes elles-mêmes prennent place dans ce champ de recomposition automatique. La différence avec des musiques nettement tonales et métriques c'est qu'elles inventent des jeux de cache-cache et une posture nettement ludique vis-à-vis de la machine qui tente de recomposer quelque chose de musical à partir des signaux sonores. . Dans la plupart de mes bandes audio l'enregistrement est une pure expérience qui ne rejoint aucun système métrique, aucune machine de recomposition. J'en appelle chez le spectateur à une activité de recomposition qui est celle que l'on trouve dans le champ des arts visuels. Et c'est bien une activité, dans la continuité de celle que nous établissons tous communément dans notre relation à notre environnement dans sa perpétuelle mouvance. La différence vraiment signifiante entre mes bandes audio et les divers stimulis déjà présents dans l'environnement de tout un chacun est que mes bandes contiennent un parcours, un tracé, un déplacement, un balisage, un guidage. . Sur le plan des conditions d'écoute la simple lecture de ce signal représentant un guidage pose déjà une question qui est celle de la précision de lecture. Mais que pourrait être cette précision? Car l'écho, l'acoustique de cette chambre, prend le temps de passer par, de se faire rattraper par, une expérience consciente du vécu de l'écoute. La piste sonore ne cache plus son jeu car elle est processus. La chambre en retard distord une hypothétique ligne droite du temps. Les formes sont leur propre déformation. Microcosme production-diffusion: produire et diffuser en même temps. Ici la production n'est pas un travail manufacturé. Quelque chose est produit par un dispositif qui, en même temps diffuse ce qui est produit. {html}<br><br><br></a>{/html} {html}<a name="voyagesysteme"></a>{/html}
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