Main page
Recent changes
Syntax
History
luc kerleo
!entretiens {br} -------------------- {br} {html}<a name="catalogue parisonic"></a>{/html} {br} ''texte paru dans le catalogue de l'exposition Parisonic 2011, Pure Presence'' {br} {br} On m'a demandé d'imaginer la question que j'aimerais qu'on me pose pour démarrer cette discussion. Or ce que je souhaiterait qui se passe c'est qu'apparaisse une question que je n'aurais pas prévue, une question qui me chatouille en quelque sorte. Ca m'a fait penser à une chose qui est que des spécialistes des fonctions cognitives chez l'être humain se sont rendus compte qu'il est impossible de se chatouiller soi-même. Je pensais à ça et je n'arrivais en fait pas à inventer une question que je n'arriverais pas à avoir prévue. Or ce phénomène d'imprévu est très important pour mon processus créatif car pour moi il s'agit de découvrir la réalité. Alors j'ai repensé à un exercice qui consiste à trouver une solution à comment constituer 4 triangles avec seulement 6 allumettes. Tant qu'on reste au niveau du problème on est coincé. Mais si on change de point de vue on trouve la solution car c'est une solution simple. Alors j'ai essayé de m'arracher à mon point de vue et finalement j'ai trouvé une question que je n'aurais pas pu prévoir et qui se révèle être celle que j'aimerais qu'on me pose: {br} "quelle question aimerais-tu qu'on te pose sur ton travail?" {br} De ma part proposer cette question, qui est en fait une citation, un retour de la question qui m'a été posée, c'est une façon de réagir concrètement à ce qui se passe, à ce qui m'arrive. C'est souvent à partir de choses extérieures à ma pratique que je me mets à travailler, à me lancer dans des choses que je n'ai pas encore faites, que je ne connais pas encore. Il m'est arrivé un truc surprenant un jour où j'étais dans une bibliothèque avec des amis. On était à déambuler dans cette espèce de grand labyrinthe de livres, un endroit assez drôle quand on y pense. Et on cherchait de la documentation sur un sujet assez précis. Une jeune femme est venue nous demander par quel livre il fallait commencer à lire, quel devrait être son premier livre de lecture. Cette question m'a mis dans un état de poésie tel que je n'en avais plus connu depuis longtemps. Sa question nous a laissés sans voix sur le moment mais je continue à penser à ce livre. Une question qu'on ne prévoyait pas, qui nous surprend dans notre sommeil du quotidien ça peut produire une vive jubilation de l'esprit. Il y a quelques années une organisation nommée Ergo avait créé une série d'expositions d'art contemporain dans des laveries automatiques. J'avais présenté des sons de synthèse, des paquets de tonalités glissantes qui apparaissaient durant dix secondes toutes les deux minutes. C'est une pièce qui avait surpris les organisateurs. L'un d'eux m'avait dit : « On te propose de mettre du son dans un lavo et toi tu mets du son dans un lavo?... okay!». Mais ils étaient plus intrigués que décontenancés. Ils avaient bien noté que j'avais travaillé d'une façon très concrète, que je ne m'engageais pas dans un second degré qui aurait été narratif, métaphorique ni même formel. Je m'intéressais précisément à ce que l'on pouvait faire comme expérience dans le contexte d'une laverie automatique. Peut-être qu'il est important de préciser que les laveries restaient fonctionnelles pendant les expositions. Ce contexte d'exposition m'avait beaucoup intéressé parce que ça se passait dans un lieu qui n'était pas neutre. Assez souvent j'ai la sensation d'insérer mes pièces dans des situations. C'est comme si je me faufilais dans des espaces chargés, un peu encombrés, touffus. Ca peut paraître bizarre mais cet intérêt pour le côté concret des situations m'est apparu nettement dans une situation qui en un sens est assez abstraite, ou du moins, dont l'aspect concret est souvent mis à l'écart. Il s'agit des salles d'expositions, celles qu'on appelle « white cube ». Ce sont ces salles vides aux murs blancs dans lesquelles on expose des œuvres d'art contemporain d'une façon suffisamment aérée, avec suffisamment d'espace entre chaque œuvre afin qu'elles ne se parasitent pas les unes les autres. Tout ceci concourt à des situations dans lesquelles chaque œuvre est présentée dans une situation de neutralité, d'une certaine neutralité visuelle, avec le moins de stimulations parasites possibles autour afin que les visiteurs puissent focaliser leur attention sur ce qui est présenté. Et il y a une période de ma vie où j'ai pu côtoyer de façon illimitée ce genre d'espaces vides et blancs : Ils s'agit de ma période d'études à la Villa Arson à Nice. Une école d'art et un centre d'art y sont hébergés dans une même architecture. J'ai beaucoup parcouru les espaces d'exposition du centre. Je travaillais beaucoup à scruter des œuvres de différents artistes en me concentrant sur les relations qui me semblaient intéressantes entre elles et les salles. Je marchais beaucoup autour des œuvres, entre les œuvres et dans les espaces du centre d'art. Ce lieu c'était un outil fantastique pour moi, un véritable laboratoire d'espace. En fait c'était peut-être ça ma formation artistique. Dans certaines salles, particulièrement dans une que l'on appelle la « galerie carrée » et qui est une vaste salle carrée et lumineuse j'avais l'impression d'être comme un insecte qui serait rentré pour ainsi dire dans un écran de projection cinématographique. J'aimais aussi beaucoup un ensemble de volumes de salles encastrées que l'on appelle là-bas le « labyrinthe » et qui est tout le contraire de la galerie carrée et qui est tout en segmentations, recoins. Et dans le même temps je travaillais dans un studio de création sonore. D'un point de vue matériel c'était tout le contraire d'une salle d'exposition : des salles bourrées de machines, on était assis, face à une console de mixage avec un maximum de panneaux de contrôles à portée de main et les oreilles entre deux grosses enceintes de monitoring. J'ai également passé beaucoup de temps dans cet endroit. Je travaillais à développer ma compréhension du ressenti que peut avoir l'esprit vis-à-vis de différents signaux sonores, de la façon dont ils sont arrangés entre eux. Par exemple j'ai beaucoup travaillé à susciter des impressions relatives à des expériences de divers espaces réels dans un espace irréel qui est l'espace d'un studio, ou d'un auditorium (sorte de studio public sans machines, pour écouter). Le studio et l'auditorium sont au son ce que la salle d'exposition est au visuel : un espace neutralisé. Dans ce genre d'espace neutre sur le plan sonore j'ai bricolé des mirages spatiaux : cathédrales, placards, salles de bain, tunnels, etc. Mais ce qui m'amusait beaucoup c'était de produire des aberrations dans ces espaces, de secouer ces mirages, de les faire muter, d'en faire des monstres, des monstres spatiaux. Je me suis beaucoup servi d'outils de techniques et d'astuces qui jouent sur une des caractéristiques du cerveau qui est de reconstituer des informations spatiales cohérentes à partir de stimuli sensoriels réduits. C'était un peu comme de créer des illusions d'optique. Mais avec le son on ne reste pas en face de ces illusions. On est dedans, à l'intérieur d'une illusion. Alors que j'étais encore dans cette période de recherches dans un studio de création sonore je me suis lancé un petit défi qui était de sortir de cette situation et de travailler dans une salle vide et blanche de l'école, une sorte de salle d'exercice d'exposition où en tant qu'étudiant on s'entraînait à accrocher nos travaux. J'y ai installé deux haut-parleurs qui diffusaient une action que j'avais prévu de faire en direct à quelques dizaines de mètres de là. En essayant mon dispositif je m'étais rendu compte que la réverbération de la salle vide et blanche était tellement forte que les sons qui sortaient des haut-parleurs se mélangeaient en un vacarme indistinguable dans l'acoustique de la salle. En catastrophe je tapissais hâtivement les murs de lourds rideaux de velours qui cassaient la réverbération et rendaient enfin les sons intelligibles. Je suis allé faire mon happening sonore à quelques dizaines de mètres, dans une autre salle de l'école et une fois celle-ci terminée je suis revenu dans la salle de diffusion et ce qui m'a sauté aux yeux c'est un endroit qui faisait très forte impression, avec ses rideaux rouge sombre. Cet effet m'avait complètement surpris. A ce moment je me trouvais à un croisement entre deux voies possibles. Mais j'estimais que je ne pouvais plus ignorer ce qui m'était arrivé avec ces rideaux sur les murs. Ce dont je me rendais compte c'est que la neutralité dans le sonore provoquait un bruit visuel, mais également qu'une neutralité visuelle provoquait du bruit, de l'encombrement sonore. C'était très intéressant comme phénomène. Ca recoupait mes préoccupations à un endroit où je ne m'y attendais pas. Ce qui me fascinait et qui me fascine toujours avec les salles d'expositions c'est combien des espaces neutres visuellement se révèlent déformants et distordants au niveau sonore. On voit une chose et on en entend une autre. On voit du vide et on entend du plein, et dans un auditorium c'est l'inverse. Une même situation peut être deux espaces à la fois. Je me suis rendu compte progressivement par la suite que ce phénomène d'espaces qui s'entrecroisent mentalement m'intéressait beaucoup. {br} En allant travailler avec du son dans des lieux d'exposition je remettais en avant le côté concret de ces lieux. Je les décalais du côté du son, là où ils perdaient leur neutralité. Mais il se passait aussi autre chose qui renforçait encore l'impact visuel des vides : comme c'est du son qui était présenté il y a bel et bien une présence dans la salle, mais qui n'est pas visuelle. Il est même arrivé que des responsables de lieux d'exposition soient inquiets à l'idée que mes expositions se présentent comme étant visuellement vides. Il y avait une vraie peur du vide pour eux mais moi ce vide m'intéressait parce qu'il rendait chaque lieu visiblement plus présent. Il rendait chaque lieu visuel en soi. Dans le même temps les sons que j'amenais là-dedans pouvaient se développer dans l'espace de manières assez diverses. Mais dans tous les cas chaque lieu avait une présence sonore qui était assez marquée : réverbération, bruits ambiants et autres. Mes signaux sonores avaient à partager un espace acoustique avec pas mal de choses plus ou moins bruyantes. Peut-être que je dois préciser que, allant plus loin dans ma pensée, ce n'est même pas cet encastrement de deux espaces qui est la finalité de mon activité. Je m'aperçois que ce qui m'intéresse dans ce phénomène de collision c'est le fait qu'un espace physique puisse avoir simultanément une deuxième existence. Et celle-ci est mentale, imaginaire, suggérée. C'est un fantôme de la pensée. On est dans une salle et cette salle a son fantôme. Et l'on est dans cet espace fantôme en même temps que l'on est dans la salle réelle. C'est la puissance de l'esprit humain qui m'intéresse là-dedans, le fait que l'on parvienne à être dans deux choses à la fois. A partir d'une situation concrète, du signal peut nous faire basculer dans une situation différente. Ca a à voir avec l'extension des possibilités dont est capable l'esprit humain. Les différentes situations dans lesquelles on se trouve sont connectées à d'autres situations et à diverses choses dont nous avons déjà eu expérience auparavant. Elles sont également connectées à des perspectives, des points de fuite mentaux que nous parvenons à édifier mentalement. Mes espaces fantômes cherchent à stimuler ces perspectives mentales à partir de notre présence dans une situation concrète. Ce qui me fascine dans l'espace c'est que l'on est dedans. Pareil pour les contextes, les situations, les structures. Par exemple les structures de langage. Il y a eu une période durant laquelle j'ai passé du temps à faire des montages de mots qui produisaient des impressions bizarres. {br} -------------------- {html}<a name="discussion projet101"></a>{/html} {br} ''retranscription d'une discussion avec le public lors de ma performance à Projet101, organisée pas Pure Presence'' {br} Rencontre avec Luc Kerléo {br} ‐ Public : Je voudrais commencer par une question super bête : à quel moment tu dis « Voilà » ? ‐ Luc Kerléo : Pour moi au moment où je suis dans l’action c’est une séance d’atelier donc je me suis donné une sorte de petit programme d’exploration et mon repère c’est une fois que j’ai testé un certain nombre de choses... Voilà ! Après quand je suis en performance, en tant que performer je suis vachement en apnée, c’est‐à‐dire que j’ai assez peu de souplesse au moment où je performe et du coup il faut que je créé un espace de souplesse. Donc ce que j’ai fait : j’ai construit cet espace de souplesse complètement en amont, j’ai complètement inventé cette situation que j’ai réalisée pour vous, je l’ai complètement inventée pour moi, je l’ai préconçue. Finalement au moment où je suis en train d’agir, moi‐même je ne vis plus vraiment en tant que performer. Je suis un petit peu l’acteur d’un rôle qui aurait été écrit par moi‐même, mais qui devient un autre parce qu’il y a une sorte de dédoublement de temps. Du coup, le résultat sonore je ne m’en préoccupe pas énormément au moment où j’y suis. On n’est pas vraiment dans un travail de composition, dans le sens où je me dirais qu’il y a un début, un développement, une fin, bien que cela puisse être tout à fait entendu comme une pure composition si vous avez envie de l’entendre comme ça. Ca peut être un point d’arrivée pour untel ou un tel d’entre vous, mais c’est vrai que pour moi ce n’est pas un point de départ. ‐ P : C’est une question que tu te poses en performant ? ‐ LK : Non, en performant je joue complètement un rôle, c’est très réduit. Pour moi la performance, c’est vraiment un état où je descends par rapport à tout plein d’idées que je peux ressasser comme ça dans la vie de tous les jours, eh bien dans la performance je suis beaucoup moins actif. Je me mets dans un état comme si j’étais un robot. Je ressentais plus comme si j’étais un opérateur qui avait un certain nombre de choses à essayer. Une fois qu’un certain nombre d’opérations sont faites et qu’il y a eu un certain nombre de résultats, on arrête. {br} ‐ P : Et tu fais des choix par rapport à quoi ? Ce que j’entends à travers ce que tu dis, c’est une représentation. C’est peut‐être ça qui est trop clos, d’après ce que je comprends. C’est une représentation très graphique, mais malgré tout, tu choisis de construire cette représentation sonore, tu choisis de mettre tel son plutôt que tel autre, tu as fais tes réglages sur le son... Pourquoi ? Pour que ça sonne comme ça par rapport à tel autre son, il y a les rythmes, les petits « crin‐crin » qui faisaient des rythmes de micro techno, de micro rythmes électroniques assez construits. ‐ LK : C’est effectivement un programme en amont. J’avais en l’occurrence envie pour ces choses évoquées (micro techno), vaguement rythmées. C’est vrai que moi, constamment par rapport à la musique, je suis tout le temps en train de la démonter. Chaque fois que j’ai de la musique qui arrive à mes oreilles, je suis en train de la démonter, c’est un petit exercice, un petit jeu mental, je sépare les sons et je commence à les faire voyager et éventuellement les remonter complètement autrement. Et à un moment j’ai commencé à ressentir en entendant des morceaux techno très rythmés et très séquencés, que ça pouvait être une sorte de masse, mais pas une masse au sens matériel mais au sens hypnotique. C’est‐à‐dire qu’à un moment ça ne serait plus un son, mais ce serait une sorte d’état, peut‐être d’hypnose ou quelque chose comme ça. ‐ P : Lié aux machines ? ‐ LK : non, lié à ce que l’on entend : cette sorte de permutation. ‐ P : C’est vrai qu’il y a dans ce travail avec ces petites machines, avec des petits circuits électroniques, qui j’imagine, ne peuvent produire que des sons assez simples et très rythmiques, et donc dans l’assemblage il y a forcément un côté hypnotique qui s’installe, en particulier au milieu de ton travail. Moi je trouve qu’il y a quelque chose de très hypnotique, que j’apprécie particulièrement. Il y a une question que je me pose sur l’instrument de création sonore ; je pense qu’on peut difficilement imaginer un instrument plus complexe dans la mesure où l’on te voit travailler, assembler des trucs, en train de réfléchir, de tourner des petits potentiomètres, de ... ??, on peut difficilement imaginer un outil plus complexe, et je me demandais dans quelle mesure la complexité de l’instrument avait une importance pour toi ? À la limite, un peu répondu à demi mot en disant justement que l’aspect de la performance était important pour toi. Et je me demande quelle est l’importance de la complexité de l’instrument entre le fait que ce soit aussi compliqué et aussi, peut‐on dire, aussi difficile à manier. ‐ LK : En fait, c’est à la fois compliqué et simple, c’est‐à‐dire que l’ergonomie est assez compliquée avec tous ces fils, on se prend un peu les pieds dedans et en même temps simple, car au jour le jour, je travaille avec un ordinateur assez souvent, je vais bosser du matériau sonore avec cet outil qu’est l’ordinateur et de temps en temps, je fais de la maintenance informatique, au sens très courant du terme : je vais ranger mon ordi, je vais travailler un petit peu dessus, je vais mettre les mains dans le moteur, et là je me rends compte que j’ai un outil qui est extrêmement complexe. C’est‐à‐dire qu’en terme d’opérations qu’il va me faire à la seconde, ça n’a rien à voir avec ce que l’on a ici. C’est extrêmement primaire. Et là, je me retrouve dans une situation où je ne peux pas aller vite. C’est un dispositif qui a une inertie en terme de manipulation. Contrairement à ce que l’on pourrait avoir sur une interface midi par exemple, où la moindre gestuelle peut déclencher des avalanches de son ou des micro nuances, une très grande finesse, ne serait‐ce que sur une table de mixage, une bonne grosse table de mixage avec des bons gros potentiomètres, très fin, il y a des réglages très précis dans les filtres. Et moi, comparé à ça, c’est (bruitage d’une explosion) : on branche, on débranche, allez hop ! C’est tout juste si je n’avais pas amené mon fer à souder, d’ailleurs j’ai regretté de ne pas l’avoir amené car j’avais une petite soudure à faire... Mais du coup, ça me met dans une situation qui rejoint un temps d’action que je recherche, qui est une sorte de temps de la promenade, un temps de la marche. ‐ P : Tu disais que tu avais du mal à trouver un espace de liberté, etc. On peut imaginer dans ce genre de dispositif la liberté a ses limites... ‐LK : Le cadre est très défini. Pour moi, le gros travail ici a été de définir le cadre. De me demander dans quel cadre va se poser mon action et bien cerner ce que je vais évacuer, ce qui va être exclu du fait d’un certain nombre de choix. Par exemple à un moment, j’ai commencé à travailler avec un outil qui ressemble à un jeu de bataille navale, en fait c’est un dispatch, donc une sorte de carré, on a une centaine de trous (dis fois dix trous) et on va brancher dix appareils émetteurs et dix appareils récepteurs, donc par exemple : dix haut‐parleurs et dix oscillateurs. Puis on va faire de l’aiguillage avec des petites fiches que l’on va enficher et on va pouvoir aiguiller un son sur tel haut‐parleur très rapidement. Je l'avais presque terminé, et là je me dis 'attends, là j'ai pas envie que ça rentre dans ce cadre, parce qu'en terme de temps j'ai pas besoin de ça, j'ai pas besoin d'aller vite, de changer un son avec un tonut petit geste, d'aiguiller un son extrêmement rapidement, finalement j'en ai pas besoin puisque les branchements que je vais faire, en brancher et débranchant des câbles, en me levant parfois pour débrancher là‐bas, j'inclus dans ce cadre un rapport avec l'espace du lieu. Ceci m'intéresse fortement, parce que le fait de placer des haut‐parleurs comme ça sur un axe de l'espace... c'est marrant, d'où ça m'est venu?... Une fois, je passais devant un sono à un moment où il n'y avait pas de musique, il y avait simplement le souffle et tout d'un coup je me suis rendu compte de la présence spatiale et non plus de la spatialisation, c'est‐à‐dire on vous balance des sons et vous avez l'impression qu'ils viennent de partout, mais justement vous avez un son qui ne bouge pas et c'est vous qui vous déplacez et vous ressentez le positionnement d'un son dans l'espace presque comme si c'était un... P : Un corps? LK : Oui, justement c'est à partir de ce phénomène de souffle que je me suis rendu compte de ça, parce que l'espace n'était pas saturé par un signal musical, qui prendrait toute l'ambiance. D'ailleurs le premier son que j'ai diffusé c'est un souffle aussi... P : est‐ce que tu t'es déjà posé la question de ta position par rapport à l'audience? Là tu es comme un chef d'orchestre, tu as le public derrière toi. LK : En fait j'ai instauré une sorte de combat entre, d'une part une envie d'être sur le même plan que les spectateurs au moment où c'est moi qui agit, donc de partager leur expérience d'écoute, contrairement au fait d'être face à vous, puisque j'ai besoin d'être dans la même relation spatiale que vous. En même temps, c'est un clin d'œil à la forme concert. Je fais une analogie entre le sonore et le visuel, pour moi ici on est dans le cadre de ce qu'on connaît depuis l'art moderne, depuis que l'espace perspectif à été remis en cause, éclaté. , dans le cas d'un concert ou de l'écoute d'un CD, œuvres audio on est dans un cadre perspectiviste. Je me dis, c'est bizarre, les choses qui me marquent en son, c'est beaucoup des phénomènes que je vais rencontrer de façon assez contingente dans la vie de tous les jours, alors que les formes sonores, essentiellement musicales qui se posent dans un espace perspectiviste m'intéressent mais l'action, à mon niveau, ne prend pas. J'ai beaucoup moins l'envie du passage à l'action. Par exemple, quand on regarde travailler un ingénieur du son, il prend comme espace d'écoute un rectangle, je prend une image là, le rectangle de la stéréophonie. Il va faire rentrer tout un mixage en reconstituant une perspective, avec des instruments au premier plan, d'autres au second plan et caetera... P : En même temps, tu ne crée pas un acousmonium en fait. LK : L'acousmonium est encore assez proche de l'espace perspectiviste, ça se développe à 360 degrés ou un peu moins, c'est une sorte de super‐stéréo... P : Les diffusions que tu viens de faire sont très localisées, ensuite elles prennent tout l'espace... En fait, non, elles sont dirigées, elles sont dans l'axe, ils y a des sons assez perçant, les sons de sirène là‐bas, j'ai pas encore compris comment expliquer ce phénomène, mais tu as le son qui rentre dans les oreilles, qui semble se former dans les oreilles... Il y a une sorte de matérialité du son qui n'est plus hors de toi, qui n'est plus projeté vers toi mais qui est entre des sons que tu produirait toi‐même et des sons qui viendraient de l'extérieur. Est‐ce qu'on n'est pas ici dans une multiple stéréo, multiple mono en fait? Pourquoi tu as choisi de mettre les points de diffusion en ligne au niveau des oreilles? LK : je ne sais pas trop encore. En fait, je me suis dit j'ai tant de puissance en terme d'espace, j'ai un champ de telle largeur, je vais le restreindre justement. Des fois tu pousses les choses au maximum où tu peux les pousser matériellement, et c'est le moment où tu t'aperçoit plus de rien, tu as rogné tout ton espace. Le fait de les restreindre... Je prendrais une anecdote pour expliquer ça : un jour j'ai une copine qui était prof dans une école d'art appliqué et qui me disait 'tu vois là il y a le studio infographie, tu as une quinzaine d'ordinateurs, tout va bien...', sauf que tout sort sur une imprimante A4, ce qui aplatit tout, les gens ne se mettent jamais à travailler, ça aplani t tout... Ca m'a pas mal fait réfléchir, je me disais finalement quand tu es au format A4, qu'est‐ce que tu peux faire, te balader à l'intérieur, c'est réduire. Je me suis rendu compte que ça me stimulait beaucoup plus d'imaginer une réduction et de jouer cette réduction à l'intérieur d'un espace plutôt que d'occuper l'ensemble de cet espace. P : Justement, il y a une sorte de déficience du son par rapport aux capacités technologiques que tu décrivais avant, donc il y a un désir d'un son pauvre, au sens noble du terme, avec il y a un désir organique ou pas? LK : Oui, je crois. Dans le sens où des sons pauvres nous demandent de compenser, en faisant appel à nos expériences de notre corps dans l'espace, de nos oreilles dans l'espace aussi. Je m'intéresse énormément aux sons qui à la base n'ont pas de portée esthétique, notamment les sons de signalétique, les sons d'alarme, justement parce que, comme ils repoussent les automatismes esthétiques, ils laissent à notre sensibilité d'écoute une occasion de se construire et de créer son propre espace. {br} 7 juin 2007 {br} {br} -------------------- {br} {html}<a name="questionnaire pommerie"></a>{/html} {br} ''une suite de questions posées par l'équipe du lieu La Pommerie qui avait accueilli ma performance Le Rayon'' {br} {br} Questionnaire {br} '' - Comment avez-vous connu La Pommerie?'' J’ai eu l’occasion de croiser des acteurs de ce lieu de façon indirecte en m’investissant dans diverses activités artistiques et associatives. {br} '' -En quoi votre travail peut-il être lié à ce lieu et comment l'avez vous fait entrer en résonance?'' C’est une hybridation entre deux choses: Pour ce qui est de son architecture ainsi que de ses environs c’est une grange et pour ce qui est de son fonctionnement c’est un centre d’art. J’aime bien ce contraste. J’ai imaginé des signaux simples qui fonctionnent comme des signaux-tests qui étudieraient le lieu ainsi que notre façon de le ressentir. Pour moi le fait de diffuser des signaux de faible intensité permettait de laisser rentrer les particularités du lieu dans la perception des spectateurs. Je voulais être moi-même en situation d’étude et de découverte au moment où j’activais mon dispositif dans la salle devant les spectateurs. {br} ''-Quels sont vos médiums artistiques?'' sculpture, performance {br} '' -Vos créations passent-elles par une phase d'écriture?'' Outre une forme d’écriture de projets qui inclut des notes, de petits textes, des schémas, je pratique une autre écriture, une sorte de poésie d’auto-conditionnement. C’est une écriture d’ambiance par laquelle je travaille à m’influencer moi-même. J’y développe une sorte de culture imaginaire qui se base sur divers faits et phénomènes réels de notre société présente et passée mais je les interprète d’une manière très personnelle. Quand je travaille sur de nouvelles sculptures je suis en partie immergé dans cette culture chimérique. {br} '' -Pourriez-vous décrire votre travail avec ses notions principales?'' Je repense à un jour où, enfant, j’essayais d’écouter une cassette de musique sur un magnétophone dont les piles étaient en train de se vider. J’ai continué à faire disfonctionner des appareils déjà existants, puis je me suis mis à les modifier et enfin à créer mes propres machines. Je travaille essentiellement sur des sons d’origine électronique, des phénomènes électroniques qui deviennent des sons. On peut appeler ça de la synthèse sonore. J’utilise peu l’enregistrement sous sa forme habituelle de captation et rediffusion de sons entendus. Par contre une forme d’enregistrement que j’utilise parfois jusqu’à saturation est l’écho, au sens où une chambre d’écho est faite d’un enregistreur qui est immédiatement relu. C’est un enregistrement sans stockage. De plus en plus je diffuse mes sons en pensant que les visiteurs peuvent se déplacer autour des points de diffusion. Je me suis progressivement mis à l’écart des systèmes dans lesquels les spectateurs sont supposés fixes. Le moment où je me suis rendu compte que j’avais envie de sortir du studio son et d’aller travailler dans des lieux d’exposition a été très stimulant pour moi. Les lieux d’exposition sont souvent assez neutres sur le plan visuel, avec leurs murs d’un blanc uniforme, mais ils sont souvent très résonants, donc pas neutres sur le plan acoustique. {br} '' -Quels rapports entretenez-vous avec le son / le sonore?'' J’ai suivi un cursus d’études en art visuels, beaux-arts en l’occurence. Mais je me rendais compte qu’il y avait énormément de questions concernant ce domaine qui surgissaient de mon esprit. Alors je me suis mis à démonter l’art comme je démontais des machines pour en comprendre le fonctionnement. Et à un moment je me suis rendu compte que je pouvais procéder autrement que par un démontage. Je me suis dit qu’en introduisant un élément paradoxal dans un système et en scrutant les réactions de ce système on pouvait en apprendre et en comprendre pas mal de choses. De façon générale j’utilise souvent cette technique de pousser les choses à l’absurde ou au paradoxe pour essayer d’en comprendre le fonctionnement. Dans ce cas j’ai simplement introduit un matériau non visible dans un art visuel. {br} '' -Quels rapports entretenez-vous avec les objets?'' Ce sont de bouts d’écriture, comme des notes. Souvent j’ai l’impression que je lis un objet comme je lirais un texte. Quand aux objets que je fabrique, circuits électroniques par exemple, ce sont pour moi comme de petits textes. {br} '' -Quel est votre rapport à l'écologie / la nature?'' L’idée du milieu de vie. Pour moi lorsque je travaille il s’agit d’inclure le contexte dans le projet. C’est comme si mes pièces étaient des êtres vivants et qu’il me fallait leur donner une configuration qui leur permette de vivre dans un certain milieu pendant une période définie. Je me demande comment mes pièces peuvent vivre dans l’esprit d’un visiteur qui est dans la situation dans laquelle je les montre. {br} ''-Quels sont vos artistes de référence?'' Les conceptuels historiques, une bonne partie des minimalistes, mais aussi les pièces de Claude Closky qui replient des logiques sur elles-mêmes m'intéressent beaucoup. Mais en fait l’une des choses qui me stimule le plus c’est les gens qui en s’engageant dans leur activité contredisent ce que je pense et ce que je fais. C’est ce qui m’intéresse dans ce qui se passe dans l’art qui s’invente en ce moment. C’est un jeu d’essayer de reconstituer la cohérence qu’ils trouvent dans leur activité. {br} {br} -------------------- -------------------- -------------------- {br}
Password
Summary of changes
Powered by
LionWiki
. Last changed: 2024/12/20 11:59
Erase cookies
Syntax
History